it's you and me, in another world.

Sony était assise sur un tabouret, devant le comptoir du chenil. Sa joue était appuyée contre sa main. Elle baillait. Elle était là depuis ce matin, et elle avait vu en tout trois clients. Sony détestait les journées comme celles-ci : fatigantes et ennuyantes, voilà comment on pouvait les définir. Le bruit de l'horloge était le seul son qu'on pouvait percevoir, avec les bâillements réguliers de la jeune femme. Non, Sony n'était pas riche. Non, son métier ne lui rapportait pas beaucoup. Non, son chenil n'était pas exceptionnel. Mais elle ne pouvait pas partir. Elle gérait ce chenil seule, et se débrouillait plutôt bien : il ne fallait pas abandonner. Peut-être un jour allait-elle se retrouver riche, à la tête du plus célèbre chenil de l'état ? Sans doute pas, mais l'espoir faisait vivre. Sony fredonnait maintenant une chanson, qui lui trottait en tête depuis une petite heure déjà. C'était le générique d'un dessin animé. Sa voix douce résonnait dans le bâtiment vide. Ses collègues étaient tous en congé : elle était seule aujourd'hui. Elle détestait être seule. Elle en était à cette réflexion lorsque le carillon de la porte retentit, faisant sursauter la brunette. Elle se redressa, se recoiffa les cheveux et fit son plus beau sourire au client qui venait d'entrer : c'était un jeune homme qui à première vue, semblait charmant. Il avait de courts cheveux bruns, plutôt bouclés. Sony le dévisagea pendant un moment, tout sauf professionnelle. Un frisson parcourut son dos. « Bonjour ... hmm, puis-je vous aider ? » prononça-t-elle d'une voix hasardeuse. Elle n'avait pas cessé de le regarder. Il était vraiment beau. Elle ne pouvait quitter ses yeux profonds. Elle n'était habituellement pas du genre à regarder les garçons, mais celui-là avait quelque chose en plus qu'elle n'avait jamais remarqué chez quelqu'un d'autre. Un coup de foudre ? Je n'irai pas au si loin, mais Sony était vraiment fascinée. Elle jouait avec ses ongles tout en le regardant, les joues en feu.

Sony écoutait le jeune homme parler, les yeux grands comme des soucoupes. Elle n'écoutait pas réellement, en fait. Elle avalait ses paroles, comme si elle avait toujours été sourde et qu'aujourd'hui elle parvenait enfin à entendre. Elle était tout à fait fascinée par le charismatique garçon qui se tenait devant elle. Une fois que celui-ci eut achevé sa demande, Sony ravala sa salive lentement. Très lentement. Elle voulait répondre de manière à la fois professionnelle, mais aussi décontractée : elle voulait montrer qu'elle était douée et mature, ce qu'elle n'était pas du tout en réalité. Sans arrêter de le fixer, elle déballa bien trop vite une réponse. « Oh et bien, si votre nièce a quatre ans je pense qu'il lui faudra un chien de taille moyenne. Les plus vendus sont les Labradors, les Goldens Retrievers et les Epagneuls bretons. Ces chiens ont tout de même besoin de beaucoup d'attention, j'espère que votre nièce est responsable ! » Elle finit sa phrase en gloussant comme une poule. Merde. C'était foutu. Elle faisait toujours exactement le contraire de ce qu'elle voulait montrer. Sony avait beau vouloir paraître élégante et responsable, elle était tout sauf ça. Sony était plus la fille sensible, la fille un peu bête qui ne comprenait pas tout mais qui se contentait de sourire et de faire sourire. Elle n'avait jamais mené quelque chose, jamais entrepris une chose par elle-même. Là, elle avait envie de pleurer, mais au lieu de ça, elle respira et ferma les yeux trois petites secondes. Elle n'osait même plus regarder le jeune homme dans les yeux. Du coup, elle fixa l'horloge, toujours en se tripotant les doigts. Elle attendait une réponse, anxieuse, elle espérait que son client n'avait pas remarqué sa gêne.